1er Congrès de l'Afea / 21-24 septembre 2011
Paris (France)
Conclusion générale
Sophie Houdart * , Vanessa Manceron  1, *@  
1 : Laboratoire d'ethnologie et d'anthropologie comparée  (LESC)  -  Site web
CNRS : UMR7186, Université Paris Ouest Nanterre La Défense
21 Allée de l'université F- 92023 Nanterre cedex -  France
* : Auteur correspondant

Intitulé «Connaissances : No(s) Limit(es)», le 1er Congrès de l'Afea a posé la question de la connaissance, de ses modalités de production et de sa place dans les sociétés contemporaines. Ayant pris acte de la réorganisation des institutions publiques d'enseignement et de recherche, de la modification du statut général de la science et, de manière plus spécifique de l'intérêt croissant porté aux modes d'obtention et de validation des savoirs en anthropologie, l'AFEA a choisi de réunir un grand nombre d'anthropologues et d'ethnologues principalement, autour des limites ou frontières de la connaissance. Se sont déclinées, de manière ouverte, des questions à la fois scientifiques et politiques, qui ont articulé des dimensions épistémologiques et réflexives. Anthropologie comme connaissance, Anthropologie de la connaissance : tels ont été les deux grands champs que ce congrès a souhaité associer.

Le Congrès a rassemblé 45 ateliers et 11 tables rondes. La profusion et la diversité des thématiques, des objets de recherche, des méthodologies et des terrains ont été remarquables, preuve du dynamisme et de la créativité de la discipline anthropologique aujourd'hui en France. Les questions posées par le Congrès au champ de la connaissance concernaient les contenus (émergence de nouvelles thématiques et de nouveaux objets), les opérations cognitives (catégorisation, symbolisation, perceptions, etc.), les modes de fabrication, appropriation et circulations des savoirs, leurs usages sociaux (opérations de détournement et d'emprunt), et enfin les enjeux et les effets produits (reconfiguration des rapports sociaux et de pouvoir, constitution d'altérités, les phénomènes de globalisation, de normalisation ou de dissidence).

Sur chacun de ces aspects, les contributions au Congrès ont pu porter un double regard : d'un côté une réflexion sur la manière dont l'anthropologie s'empare aujourd'hui de la connaissance d'elle-même (épistémologie, méthodologie, réflexivité) et de l'autre, comment elle interroge la connaissance comme phénomène social et culturel. Au regard de l'ensemble des contributions, la seconde dimension a été sensiblement mieux représentée que la première.

Quelques rapprochements thématiques peuvent être effectués. Parmi les thèmes les mieux représentés, on retiendra l'importance de la question du corps, de la santé, de la nature, des nouvelles technologies, des dynamiques urbaines, du politique, de l'art, de l'engagement et de l'action, des émotions, du droit et de la justice et de l'interdisciplinarité.

Il est notable que ces intérêts de recherche ne sont pas l'équivalent des anciens découpages en domaines de recherche. On serait bien en peine en effet de dégager ce qui relèverait d'une anthropologie du religieux, d'une anthropologie des techniques ou d'une anthropologie économique. On assiste à un brouillage inventif des champs de recherche et à des va-et-vient féconds entre les aires culturelles. La tendance consiste à cibler des objets-communs ou des objets-frontières, qui sont saisis au moyen de différents prismes méthodologiques et théoriques. Les traditions de recherche auparavant bien identifiées ont ainsi tendance à perdre leurs contours familiers au profit de recherches innovantes qui n'hésitent pas à croiser des questions, des objets et des concepts empruntés aux différents domaines classiques de recherche en anthropologie.

Sur la question du corps par exemple, se sont déployées des recherches qui croisent la cognition et les émotions dans une démarche interdisciplinaire, ou bien des recherches qui posent le corps comme sujet de soin mais aussi comme élément d'un dispositif technique (imagerie médicale), ou bien enfin qui s'intéressent aux usages politiques et institutionnels du corps dans le cadre de la santé publique. Le corps apparaît tour à tour comme un objet de savoirs, comme un medium actif de la connaissance de soi, des autres et de l'environnement et comme un enjeu qui donne à voir les relations et les positions sociales. Les anthropologies, politique, de la santé, des techniques, des émotions, du genre, etc., se croisent, s'épaulent et se confrontent parfois.

On voit ainsi s'afficher un goût partagé pour la transversalité et l'interdisciplinarité, pour le rôle des nouvelles technologies dans la production et la circulation des savoirs, pour la question de l'engagement et des savoirs impliqués au plus près de la matérialité des faits, pour les supports matériels de la connaissance et ses modes de fabrication. Ces points sont suffisamment remarquables pour être soulignés. Ils donnent le ton et montrent combien l'anthropologie est aujourd'hui féconde, inventive et dynamique.


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