Au cours du printemps et de l'été 2010, je suis revenu dans une petite commune de la vallée sidérurgique de la Sambre, frontalière avec la Belgique, pour achever une enquête d'anthropologie urbaine, commencée et principalement réalisée entre 1994 et 1996. Le but de mon retour sur place était d'explorer et d'analyser les stratégies professionnelles et matrimoniales mises en œuvre depuis lors par les post-adolescents que j'y avais connus pour échapper aux situations d'enlisement et d'« émigration sur place » qui étaient les leurs quinze ans plus tôt, ainsi que l'influence directe ou indirecte de la génération précédente dans leur élaboration. Mais ce retour a également été l'occasion d'évaluer l'impact d'une politique municipale ouvertement raciste sur une génération de fils de travailleurs immigrés algériens, et de m'interroger sur les conséquences de cette politique sur l'enquête elle-même, c'est-à-dire sur la façon dont je l'ai conduite et dont j'ai élaboré son objet.