Le projet de l'atelier était de contribuer à nourrir les discussions sur une ethnographie de la citoyenneté, à partir d'un constat de départ : en anthropologie, en sociologie, en sciences politiques, se cherchent aujourd'hui des approches ethnographiques de la citoyenneté. Elles partagent l'idée que cela engage à travailler aux marges des approches classiques (celles des politistes, du sens commun, des sciences humaines, souvent trop enclines à déterminer ex ante ce qui est politique et ce qui ne l'est pas). En parlant plus précisément ici d'actes citoyens que de citoyenneté, l'idée était d'inscrire d'emblée dans le paysage des travaux qui mettent d'emblée à l'horizon d'une interrogation sur le politique les activités les plus ordinaires, au ras du sol de la vie quotidienne. Ils envisagent la possibilité d'une citoyenneté qui ne se donnerait pas d'abord ou pas seulement, à voir à travers les grands moments qui lui sont classiquement dévolus, ses lieux canoniques (de l'instruction civique à l'isoloir), ou les grammaires qui sont celles des professionnels de la « chose publique ». Une telle perspective amène à poser des questions qui peuvent sembler incongrues, par leur façon de mélanger passivité et activité, engagement et détachement ; à se demander ce qui se passe par exemple quand une personne se sent sollicitée par des éléments de son environnement, et se trouve prise alors dans un acte que l'on peut dire citoyen ? La notion d'actes citoyens présente de prime abord un double intérêt : intégrer dans le paysage certaines approches, allant d'une tradition d'anthropologie urbaine à l'étude de la démocratie comme mode de vie, style d'existence ; et offrir un mode opératoire – l'étude du comment plutôt que du quoi, l'étude des perspectives et de l'expérience des participants – pour saisir des phénomènes que l'on dirait plus facilement "citoyens" que "politiques". Il s'agit ainsi d'avancer en faisant fond sur une tendance à la remise en cause, avec « le tournant ethnographique », des cloisonnements disciplinaires, et sur les renouvellements même de l'anthropologie (notamment l'abandon d'une vision monolithique de « la culture »). Les trois terrains d'enquête rassemblés dans cette perspective ont en commun (suite à deux empêchements de dernière minute) de s'inscrire sur la scène des rencontres urbaines, et de poser la question des publics ou des « concernements » – aussi fugaces soient-ils – qui s'y construisent. Ils ne partent pas d'une relation supposée à la citoyenneté mais de l'expérience sociale ordinaire, urbaine en l'occurrence, dans nos sociétés pluralistes, et de la façon dont elle nous amène à exercer – élaborer, entraîner, éprouver – une capacité d'agir politique.