Dans quelle mesure la consultation d'une liasse d'archives, pratique ordinaire en salle de lecture, relève-t-elle tout à la fois d'une succession de hasards et de l'aboutissement d'un pari fou? Les matériaux recueillis pendant une vaste enquête ethnographique de six mois dans trois services d'archives publiques (municipales, départementales et diplomatiques) sur les métiers du patrimoine montrent que le fait pour un lecteur d'avoir accès au « bon » document, ou tout du moins celui qu'il a commandé, ne relève pas du tout de l'évidence. Si pour l'historien ou le généalogiste, l'archive est une source, un point de départ, elle se révèle un point d'arrivée (Morsel, 2003). Le parcours du document est en effet jalonné d'une multitude d'étapes insérées dans un faisceau complexe de normalisation. Encadrée par un appareil législatif, qui remonte à la Convention, la mise en archives des papiers publiques - collecte, tri, élimination, classement, délais de communication - est entièrement subordonnée à des directives et au contrôle scientifique et technique de l'Etat. Trivialement dit, à l'obligation des administrations de verser leurs fonds répond celle des services d'archives de les accepter et de les traiter selon des modalités précises.