1er Congrès de l'Afea / 21-24 septembre 2011
Paris (France)
Savoirs et reconnaissance dans les sociétés africaines contemporaines
Sarah Andrieu  1, *@  , Pascale Moity Maizi  2, *@  
1 : Centre d'Etude des Mondes Africains  (CEMAf)  -  Site web
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), Université de Provence - Aix-Marseille I, Université Panthéon-Sorbonne - Paris I, CNRS : UMR8171
2 : Montpellier SupAgro - Institut des régions chaudes  (IRC SupAgro)  -  Site web
Montpellier SupAgro
1101, avenue Agropolis - BP 5098 - 34093 Montpellier cedex 5 -  France
* : Auteur correspondant

La reconnaissance des savoirs et de leurs porteurs en Afrique, qu'elle soit fixée par les institutions internationales à travers la notion de « savoirs locaux » (indigenious knowledge) créé au sortir de la Conférence de Rio en 1992, ou par les Etats au travers de politiques de valorisation des productions matérielles et à travers elles des « savoirs traditionnels », ou qu'elle soit enfin revendiquée par des acteurs en quête de respect, d'estime et d'un statut, constitue un questionnement central, bien que non systématisé, dans l'analyse de processus de production, de transmission et de patrimonialisation des connaissances et de leurs traductions matérielles et sociales, sur le continent. C'est en fait la question de la place et du statut des connaissances dans les sociétés africaines et dans leurs relations aux autres continents qu'aborde ici l'anthropologie. Quand elle prend pour objet les formes de production et de transmission des savoirs, elle s'attache en effet à explorer les tensions entre quête d'identité, de reconnaissance (professionnelle, sociale), de liberté, et logiques normatives ou institutionnelles régissant les rapports à la connaissance, au travail, à l'intérieur d'une société : les apprentissages sont alors des lieux privilégiés d'observation de ces tensions et des modalités de leur éventuelle résolution.

À partir des acquis récents de la philosophie politique (Honneth, 2000), de la sociologie et de l'anthropologie (Caillé, 2007 ; Payet et Battegay, 2008), cet atelier centré sur une Anthropologie de la Connaissance et des apprentissages, proposait une réflexion collective et comparative de situations diversifiées de transmission et d'élaboration de savoirs, observées dans différentes régions du continent en Afrique, permettant de traiter les relations entre connaissances et reconnaissance dans les sociétés africaines contemporaines, les enjeux divers qu'elles révèlent (politiques, patrimoniaux, sociaux...) et leurs traductions sociales.

Plusieurs axes ont guidé cette réflexion. Le premier s'attachait à rendre compte des formes que peut prendre la reconnaissance des savoirs lorsqu'elle est assignée par des institutions. Il s'agissait là de cerner le sens, les valeurs et les objectifs guidant notamment les institutions internationales et leurs relais locaux lorsqu'elles souhaitent protéger ou valoriser les savoirs « locaux », « endogènes », « coutumiers »... Le second axe, qui a regroupé plus de communications, s'est attaché aux effets de ces assignations de reconnaissance institutionnelle sur les statuts locaux des savoirs et sur les conditions d'exercice de leurs détenteurs. Quittant le domaine de la reconnaissance institutionnelle, le troisième axe d'analyse s'est penché un peu plus précisément encore sur les relations entre savoirs et formes de reconnaissance à une échelle micro-locale : il s'agissait de décrire des situations de transmission/d'acquisition/de diffusion de connaissances permettant à un individu ou à un collectif d'être reconnu dans ses compétences à l'échelle de la famille, du quartier, de la ville ou à l'intérieur de son champ professionnel ; en analysant comment ces formes localisées de reconnaissance entrent en cohérence ou pas avec des formes d'assignation exogènes.

L'enjeu final était d'identifier, dans la comparaison de situations et d'acteurs, les grandes lignes de jonction ou de fracture entre logiques normatives et institutionnalisées de reconnaissance et conditions locales d'accès aux savoirs et à une reconnaissance statutaire. Cet atelier s'inscrivait donc plus largement dans une analyse critique des reconfigurations des rapports sociaux et de pouvoirs, reconfigurations induites par les multiples phénomènes de globalisation et de normalisation vécus par les sociétés africaines aujourd'hui, dans différents domaines d'actions et de compétences, les connaissances y constituant désormais un enjeu stratégique.

Il a attiré un public nombreux, et son organisation a permis en effet d'importantes discussions et débats dont on prévoit qu'elles se poursuivront :

i/ au travers d'un ouvrage collectif porté par les membres du projet SYSAV qui ont construit cet Atelier (lequel fut ainsi en quelques sortes une arène pour tester la pertinence des réflexions proposées) à paraître aux éditions Karthala fin 2012 ;

ii/ au travers de nouveaux projets de recherche.


Personnes connectées : 3