1er Congrès de l'Afea / 21-24 septembre 2011
Paris (France)
Entre les connaissances religieuses et universitaires : les enseignements, les pratiques et les nouvelles identités religieuses en Afrique, le cas du Sénégal
Kae Amo  1@  
1 : Centre d'Etudes Africaines  (CEAf)  -  Site web
IRD, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS)
2ème étage 96 bd Raspail 75006 PARIS -  France

Dans les études anthropologiques ou ethnologiques sur l'Afrique subsaharienne, les connaissances théoriques et l'usage de ces connaissances portaient essentiellement sur la société traditionnelle. La mission dite « civilisatrice » des enseignements et des recherches en Afrique avait pour objectif d'analyser ce monde « indigène », de donner davantage de sens à certains peuples et les emmener vers la civilisation où la connaissance scientifique était privilégiée. Les établissements d'enseignement supérieur au Sénégal, fondés au départ par des colonisateurs, avaient aussi pour vocation d'assurer l'instruction des « élites » francophones, chargées de mettre en œuvre la civilisation occidentale au sein de la société locale.

Or, depuis les années 1980, les universités sénégalaises sont marquées par une forte visibilité des acteurs religieux. Nombreux sont les étudiants croyants qui n'hésitent pas à manifester leurs appartenances religieuses sur les campus universitaires, par leurs comportements, leurs pratiques et leurs enseignements, ou par leurs activités sociales et associatives. Nous identifions de ce fait dans la société actuelle, trois courants principaux ainsi que des acteurs issus du milieu de l'enseignement, qui s'opposent ou s'entremêlent : ceux des savoirs traditionnels (ethniques, familiaux, régionaux ou religieux) ; ceux de l'enseignement religieux monothéiste (chrétien ou islamique) ; ceux de l'enseignement laïc et scientifique, caractérisés par la modernité et la scientificité occidentale.

En effet, l'islamisation comme la christianisation sont des processus qui vont de pair avec des logiques d'accommodation et d'appropriation constitutives des identités locales ; les « racines africaines » de l'islam ou du christianisme prennent une nouvelle dimension dans les confrontations et les convergences contemporaines entre ré-africanisation et ré-islamisation ou ré-évangélisation (André Mary, Jean Louis Triaud, 2006). De plus, ces lettrés religieux maîtrisent souvent les outils et moyens de communication actuels, tels que le transfert d'argent, l'Internet ou encore les médias et leurs propres réseaux, afin de diffuser leurs enseignements à travers le monde. Ce phénomène de « retour à la religion », à la fois local et global, conduit à l'élaboration de diverses théories de la connaissance dans les milieux intellectuels qui suscitent aujourd'hui des débats philosophiques, idéologiques et politiques.

En nous appuyant sur un travail empirique, nous tenterons de mettre en relief l'actualité des enseignements supérieurs au Sénégal en relation avec ces mouvements religieux de jeunes intellectuels. Ces figures engendrent et diffusent de nouvelles perceptions du monde, de savoir-faire et d'agir dans le monde moderne, tout en conservant leur foi et leur identité traditionnelle. Leur présence témoigne la dynamique, la complexité et la multiplicité de la société africaine d'aujourd'hui.


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