1er Congrès de l'Afea / 21-24 septembre 2011
Paris (France)
Apprentissage et reconnaissance professionnelle parmi les étudiants en médecine : cas de la République centrafricaine et du Bénin
Andrea Ceriana Mayneri  1@  
1 : Université de Turin  -  Site web
Università degli Studi di Torino - Via Verdi, 8 - 10124 Torino  -  Italie

En République centrafricaine et au Bénin, où nous menons nos enquêtes ethnographiques, l'apprentissage du savoir biomédical relève de paradigmes scientifiques et de techniques du corps partagés entre les médecins-enseignants des facultés universitaires d'un côté, et les étudiants et futurs médecins de l'autre. Le consensus autour de la scientificité et efficacité du savoir médical s'accompagne en effet de l'adoption d'un registre discursif, de gestes, de mises, qui contribuent à forger une identité médicale reconnaissable à l'intérieur du champ professionnel, mais aussi au niveau de la famille, du quartier, de la ville. Cependant, dans les deux pays et ailleurs en Afrique subsaharienne, la légitimité de cette identité professionnelle est continuellement remise en cause par d'autres acteurs susceptibles de mobiliser leurs propres compétences médicales et de proposer leurs soins. Il s'agit des guérisseurs traditionnels, des experts de la pharmacopée indigène, des devins et des pasteurs qui proclament avec insistance l'origine occulte ou diabolique de la maladie. Entamer un parcours d'études biomédicaux signifie nécessairement se mesurer avec ces différentes sources d'autorité médicale, et négocier son identité professionnelle par la confrontation quotidienne avec les étiologies de la maladie qui font appel à l'occulte et à la sorcellerie. Dans notre communication, à partir de données ethnographiques recueillies en Centrafrique et au Bénin entre 2007 et 2011, nous voudrions interroger certaines des stratégies auxquelles les futurs médecins ont recours pour atteindre la reconnaissance socioprofessionnelle à laquelle ils aspirent. Nous nous arrêterons en particulier sur les stratégies rhétoriques qui exagèrent la différence entre la biomédecine et les savoirs « traditionnels ». Tandis que les étudiants en médecine des deux pays ont recours à cette rhétorique pour se différencier nettement des guérisseurs et « charlatans », leur insistance sur une telle distinction culturaliste témoigne de l'inquiétude et de la provocation que les étiologies traditionnelles suscitent au cœur même des situations d'apprentissage médical. A travers la comparaison des données recueillies en Centrafrique et au Bénin, nous souhaiterions montrer que les différents stratégies de reconnaissance professionnelle en milieu biomédical peuvent être appréhendées comme l'effet de trajectoires historiques et d'équilibres sociopolitiques spécifiques des deux pays.


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