1er Congrès de l'Afea / 21-24 septembre 2011
Paris (France)
La technologie comme révélateur de nos modes de présence : le cas des capteurs de mouvement
Fabienne Martin-Juchat  1, *@  , Hédi Zammouri  2, *@  
1 : Groupe de Recherche sur les Enjeux de la Communication  (GRESEC)  -  Site web
Université Stendhal - Grenoble III : EA608
Université Stendhal Grenoble III Institut de la Communication et des Médias 11 avenue du 8 mai 1945 BP 337, 38434 ECHIROLLES Cedex -  France
2 : Laboratoire de recherche en sciences sociales  (PACTE)  -  Site web
CNRS : UMR5194, Institut d’études politiques de Grenoble
Institut d’études politiques - BP 48 -38040 Grenoble cedex 9 -  France
* : Auteur correspondant

La question des innovations technologiques ne peut plus être pensée en termes de jeux d'oppositions binaires entre déterminisme social et déterminisme technologique (Latour, 2006). Notre propos est de démontrer que des innovations récentes, nommées capteurs de mouvement (magnétomètre, accéléromètre), en cours d'expérimentation en laboratoires sur leurs potentiels au-delà des applications existantes, invitent à un changement de regard (voire de paradigme) concernant le rapport à la technique. Il s'agit, non plus seulement, de se poser la question de ce que fait la technique au social (approche empirico-fonctionnaliste) ou bien de ce que les structures sociales font à la technique (approche constructiviste), mais plutôt d'interroger le déplacement des principes qui définissent les interactions entre technologies et humains. Il convient alors de souligner en quoi les usages des capteurs de mouvement mettent en exergue les modalités humaines de présence, de coprésence, d'interactions esthésiques et thymiques avec le technologique (Martin-Juchat, 2010) ou encore, de mobilité, motricité, motilité dans les termes de la philosophie du geste (Stiegler, 2010).

En effet, le management de l'innovation intègre aujourd'hui des méthodes basées sur les hypothèses suivantes : dans une logique de conception assistée par l'usage, les artistes - de par leur capacité créative et de représentation, leur palette d'outils, leur potentiel d'appropriation, de réappropriation par le détournement - sont en mesure de révéler toutes les gammes d'usage d'une technologie, dont les techniques du corps que cette dernière induit. Faire coopérer très en amont des processus d'innovation, artistes et ingénieurs, permettrait d'accélérer le passage à la phase d'industrialisation en sérialisant des usages. Notre propos n'est point de porter un jugement sur ces postulats qui animent actuellement les logiques socio-économiques de l'innovation, mais de voir en quoi ces expérimentations posent des questions scientifiquement pertinentes.

 

Cet article est le fruit d'un double regard et prend pour terrain (avec des méthodes d'observation de type ethnographique) une phase de tests d'usage managée par un chef de projet (également en thèse d'anthropologie), intégrant à la fois artistes et ingénieurs et questionnant différemment les rapports entre la technologie, l'humain et l'ordre interactionnel.

Aussi, bien que les industriels raisonnent au final en termes d'acceptabilité sociale - car contraints par des logiques socio-économiques - ils intègrent des expérimentations, dont la finalité est d'observer les logiques d'appropriation, les détournements et les usages potentiels au-delà des usages prescrits. Cela permet ainsi à des chercheurs d'observer les modes d'existence des objets devenant des sujets techniques ou encore les conditions d'émergence d'une technologie expérimentée comme sujet interactionnel (Damian, Zammouri, 2010). À partir des résultats de terrain et sans anticiper sur les hypothèses qu'ils soulèvent, notre propos sera en particulier de questionner, dans la continuité des travaux de Levinson (2006), les positions et les oppositions épistémologiques de types : corps/technique, agent/patient, sujet/objet, personne/machine, et les modèles classiques de décomposition sémiotique des processus et des statuts interactionnels.


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